16.12.2021

Entretien au coin de l’étable avec Anne Challandes sur la session des femmes

De la motivation, des encouragements, de la force, un esprit de groupe et du soutien, de la reconnaissance - c'est ce que la présidente de l'Union suisse des paysannes et des femmes rurales (USPF) retient de la session des femmes.
(Photo: màd)
(Photo: màd)

Franziska Schawalder (FS) : Tout d’abord, je tenais à vous féliciter pour votre sens de la répartie lorsque Patti Basler vous a demandé si l’on pouvait parler d’alimentation animale lorsqu’une femme cuisine pour son mari paysan. 
(Pour celles et ceux qui n’auraient pas vu l’émission « Deville » diffusée le dimanche 21 novembre 2021, Anne Challandes a donné la réponse suivante : « Non, à moins que l’homme ne soit un âne. »)

Anne Challandes (AC) : Merci. Je connais un peu l’univers de Patti Basler et cette réponse est sortie spontanément, dans le même esprit que ses questions. Avant cette phrase, et cela ne paraît pas dans l’émission, j’ai répondu avec sérieux à ses autres questions.

FS : Venons-en maintenant au vif du sujet : la session des femmes 2021. Comment avez-vous vécu ces deux journées d’octobre 2021 ? Ont-elles répondu à vos attentes politiques et personnelles ?

AC : J’avais le rôle de co-organisatrice et de secrétaire de la Commission pour l’agriculture. Participer à une session dans la salle du Conseil national et au Palais fédéral est une expérience unique et passionnante. C’est un souvenir inoubliable. Deux journées de travail de plénum, longues et intenses, précédées des deux séances de commission, c’était pour moi la découverte du travail des parlementaires au travers des débats, discussions, échanges dans la salle et dans l’Allée des pas perdus.

Les thèmes traités étaient multiples, dans l’intérêt des femmes en général et des paysannes en particulier. Les 246 participantes ont pu faire entendre leur voix et se familiariser avec les processus politiques et la prise de parole en public. C’était aussi un but de cet événement. Je pense que les questions de femmes ont pu ainsi avancer et recevoir de la visibilité.


FS : Quels thèmes vous tenaient particulièrement à cœur ? Êtes-vous satisfaite des trois pétitions élaborées et de l’interpellation qui concernent l’agriculture ? Ou pensez-vous que d’autres thèmes auraient dû être traités ?

AC : Les deux aspects des effets négatifs du divorce et de la couverture sociale sont importants. Le rapport du Conseil fédéral sur les femmes dans l’agriculture de 2016 contient des pistes multiples et il est important de le rappeler pour la suite des réflexions. La question de la représentation et de la position des femmes dans l’agriculture est aussi un thème digne d’intérêt. Les textes déposés vont donc dans la bonne direction. Le temps disponible dans le cadre de cette session a été bien utilisé.

FS : Que retenez-vous personnellement de ces journées ?

AC : De la motivation, des encouragements, de la force, un esprit de groupe et du soutien, de la reconnaissance pour celles qui se sont engagées avant nous et de la fierté d’avoir pu participer à cet événement.

FS : La Commission pour l’agriculture comptait 15 femmes, dont vous. Comment vous y êtes-vous préparées, vous et l’USPF ? 

AC : Dans la commission, j’assurais la fonction de secrétaire et pas de membre à part entière de la commission. Mon rôle était de créer des conditions favorables aux réflexions. Cela comprenait en particulier de gérer l’organisation et le déroulement des deux jours de séance, d’organiser l’audition des expertes. J’ai aussi assuré la collaboration avec la présidente et la vice-présidente, élaboré les documents pour la préparation des séances et le travail en séance proprement dit. Le but était que chaque membre, y compris celles qui n’étaient pas issues de l’agriculture, reçoive les éléments nécessaires pour analyser la situation des femmes dans les exploitations agricoles, réfléchir aux besoins et trouver des solutions concrètes et applicables, susceptibles d’obtenir une majorité au plénum. Les retours sur le travail de l’USPF en général et à l’occasion de cette session sont positifs.

FS : Comment était l’ambiance entre femmes ? Vous êtes-vous sentie comprise et soutenue par les participantes qui n’étaient pas du milieu agricole ? 

AC : Les membres de la commission se sont investies avec sérieux dans la problématique et dans la recherche de solutions. Celles qui ne sont pas issues de l’agriculture ont écouté et cherché à comprendre les spécificités. Toutes ont débattu et travaillé ensemble, dans la commission et en sous-groupes, dans un esprit constructif et de respect pour trouver des améliorations en commun.

FS : Quelle est la suite concrète pour les 23 pétitions adressées au Parlement ? Honnêtement, pensez-vous que « nos » demandes seront entendues ? Comment les organisatrices de la session des femmes restent-elles en contact ?

AC : La suite pour ces 23 pétitions dépendra de leur reprise par les parlementaires. Les textes sont rédigés. Ils peuvent être repris tels quels ou éventuellement être adaptés. Les thématiques liées à la situation des femmes dans l’agriculture sont écoutées sur le plan politique déjà depuis plusieurs mois. L’USPF va maintenir les liens existants et agir en fonction des nécessités.

Les présidentes des associations organisatrices étaient en contacts réguliers déjà avant la session et ces contacts se poursuivent, certains thèmes sont communs ou similaires.

FS : Les femmes – et très certainement les hommes aussi – de Vache mère Suisse vous remercient pour votre précieux travail et sont impatient·es de voir si les travaux réalisés durant la session des femmes porteront leurs fruits. 


(Photo: màd)
(Photo: màd)

« J’aime observer les vaches »

FS : Anne Challandes – quel est votre rôle sur l’exploitation agricole ?

AC : Comme je suis maintenant souvent absente, je m’occupe d’une part des tâches domestiques et je partage les décisions, l’administration, la comptabilité en collaboration avec mon mari et nos enfants selon les disponibilités de chacun.

FS : Quelle importance ont les vaches mères sur votre exploitation et dans votre cœur ?

AC : Les vaches mères sont à la fois une branche de production et un élément de notre vie de paysanne et paysan. Elles font partie intégrante d’un cycle, valorisent les herbages, produisent de la nourriture et fournissent de la fumure. Elles appartiennent aussi au paysage de la Suisse qu’elles contribuent à entretenir.

J’aime les vaches, c’est un sentiment particulier de les observer, cela m’apporte du calme et du bien-être.


FS : Parlez-nous encore un peu de votre ferme.

AC : Sur notre exploitation vivent notre famille composée de 6 personnes, dont nos 4 enfants, tous adultes à quelques semaines près, et nos animaux. Le père de mon mari y habite aussi de manière indépendante.

La main-d’œuvre se compose de mon mari et de notre fils aîné, ainsi que d’un apprenti de 3e année. Je participe comme expliqué ci-dessus, nos 3 autres enfants donnent des coups de main par exemple pour le désherbage et les rumex.

Notre exploitation compte 65 hectares de SAU. Elle est certifiée Bio Bourgeon. Un troupeau de 25 vaches mères a progressivement remplacé les vaches laitières depuis l’été 2018. Notre élevage est axé principalement sur la race Angus. Nous avons aussi quelques Aubrac et Limousines.

Nos cultures sont diversifiées : herbages, blé, orge, colza, maïs, avoine, lupin, quinoa, betteraves sucrières, pois chiches, lentilles et autres essais, une partie est produite pour la sélection. Le quinoa, les lentilles et les pois chiches sont commercialisés en direct, de même que l’huile de colza.