10.06.2024

Entretien au coin de l’étable avec Martin Hengartner et Rebekka Strub, Hauenstein-Ifenthal (SO)

« L’agriculture biologique est une évidence pour moi »

Martin Hengartner (62 ans) et Rebekka Strub (42 ans) sont voisins et gèrent chacun une exploitation allaitante bio. Ce qui les unit : les conditions géographiques qui influencent l’orientation de leur exploitation et leur désir de ménager et de préserver les ressources.

La mise au pâturage quotidienne des veaux et des vaches mères est une évidence dans la production selon les directives Natura-Beef-Bio. (Photo : Martin Hengartner)

Vous produisez tous deux conformément au cahier des charges de Bio Suisse. Quelles ont été les raisons de ce changement, au début des années 1990 ? Et quelle est votre motivation aujourd’hui ?

Martin : La conversion à l’agriculture biologique allait de soi. Le lait bio était recherché – à l’époque, nous avions encore des vaches laitières – et nous n’avons pas eu besoin de modifier l’exploitation de nos terres, car nous pratiquions pour ainsi dire déjà l’agriculture biologique. 

Rebekka : Ce sont mes parents qui ont converti l’exploitation. A l’époque, pour eux, cela allait aussi de soi. Cela correspondait à leur vision et à l’esprit du temps. Pour moi, l’agriculture biologique est aujourd’hui une évidence, pour ma propre exploitation, mais aussi pour l’agriculture en général. Je considère qu’il est de mon devoir de traiter le sol, la nature, les animaux, et tout le reste, avec le plus de ménagement possible, en en prenant soin, en respectant les espèces, sans les surexploiter et en suivant leur cycle naturel.

Est-ce que cette pensée circulaire est une caractéristique de l’agriculture biologique ?

Martin : Oui. Dès que l’on apporte quelque chose, par exemple un engrais artificiel, la couche herbeuse et la composition de l’herbe changent. Cela a un impact sur l’élevage, car il se peut que la surface soit moins adaptée à la pâture ou que la composition du fourrage se modifie. Sur notre exploitation, nous n’utilisons pas beaucoup de lisier, car nous compostons la majeure partie du fumier. Nous pouvons épandre le compost et il améliore le sol et la couche herbeuse. Contrairement à l’épandage de lisier, cette méthode libère peu d’ammoniac. Il y a donc un effet positif sur mon sol et, en même temps, un faible impact sur le climat.

Vous élevez tous les deux des vaches allaitantes. Pourquoi ce choix ?

Rebekka : Après l’abandon de la production laitière, il était important pour ma mère d’avoir des animaux qui ne soient pas là seulement pour quelques mois avant d’être abattus. Elle a ensuite découvert en France la race Aubrac, qui retrouve chez nous des conditions similaires à celles de sa région d’origine. La ferme Horn a été l’une des premières exploitations à posséder des animaux de cette race en Suisse.

Martin : Chez nous, l’élevage allaitant s’imposait, car nos terres se prêtent bien à la pâture, mais sont assez éloignées de l’étable. Avant, nous devions faire beaucoup d’allers-retours avec les vaches laitières pour la traite, alors que les vaches allaitantes peuvent rester dehors si le temps le permet.

La race Aubrac avec ses beaux yeux et ses cornes évasées, a séduit les familles Strub et Hengartner. (Photo : Martin Hengartner)

Martin, vous avez aussi des vaches de la race Aubrac. Pourquoi ?    

Martin : Parce que je les ai vues chez mes voisins et qu’elles m’ont plu (il rit) ! Même sur nos surfaces plutôt extensives, elles ont une assez bonne production laitière et peuvent ainsi valoriser au mieux l’herbe de nos prairies et pâturages.

Rebekka, tu élèves aussi des zébus. Pourquoi miser sur ce bovin à bosse asiatique?

Rebekka : Les zébus ont des atouts qui sont aussi intéressants sous nos latitudes. Ils supportent mieux la chaleur et résistent donc mieux durant les périodes de canicule, qui deviennent plus longues et plus intenses avec le changement climatique. Ils sont aussi plus résistants aux parasites et aux maladies des veaux, ce qui me permet de réduire l’usage de médicaments. Des animaux en bonne santé sont la base d’un élevage allaitant durable. 

Rebekka Strub n'élève pas seulement des animaux de la race Aubrac, mais aussi différents zébus. Elle espère ainsi obtenir des animaux adaptés à la région et aux défis futurs. (Photo : Rebekka Strub)

Martin, qu’en est-il des périodes de sécheresse et de chaleur parfois prolongées dans ton exploitation ?

Martin : Elles deviennent plus extrêmes et les animaux souffrent lorsqu’il fait trop chaud. C’est une bonne chose que nous ayons de petites structures, des arbres et des lisières de forêt qui offrent de l’ombre. L’eau se fait parfois rare, mais j’ai la chance d’avoir quatre ou cinq sources et je n’ai jamais eu de problème jusqu’à présent. Nos alpages ne sont pas encore concernés par la chaleur et la sécheresse. Néanmoins, il est très important pour moi de prendre soin de nos réserves d’eau. Si pour l’instant nous pouvons supporter beaucoup de choses, nous devons tout de même veiller à ce que nous laissons aux générations futures.

Il est donc très important pour vous de prendre soin des ressources. Est-ce là aussi un trait distinctif de l’agriculture biologique ? 

Rebekka : Oui, mais pas seulement. Les agriculteurs « conventionnels » y attachent eux aussi une grande importance. Sans sol, sans air et sans eau, il n’y a pas d’agriculture. 

Qu’est-ce qui est encore important pour vous ?

Rebekka : La promotion de la biodiversité. Je plante chaque année vingt arbres fruitiers et j’élève différentes espèces et races d’animaux sur mon exploitation. À petite échelle, je favorise ainsi une plus grande biodiversité, une plus large variété d’espèces. À côté des Aubrac et des zébus, j’élève des porcs de pâturage et des chèvres Boer.

Les chèvres Boer de Rebekka augmentent la biodiversité de l'exploitation et aident à l'entretien du paysage en limitant l’embroussaillement. (Photo : Rebekka Strub)

Martin, avez-vous également d’autres animaux ?

Martin : Oui, nous avons encore 80 poules, un cheval, deux poneys et deux ânes. Les ânes par exemple aident à réguler les chardons et les églantiers en les mangeant.

Rebekka : Chez moi, ce sont les chèvres Boer et les zébus qui le font. Ils aident à lutter contre l’embroussaillement. En automne, les porcs de pâturage mangent les fruits tombés des arbres fruitiers à haute tige. Chacun a son rôle à jouer dans le cycle.

Où vendez-vous vos produits, en particulier le Natura-Beef-Bio ?

Rebekka : Comme l’élevage et la vente d’animaux à d’autres exploitations sont pour moi très importants, il y a assez peu d’abattages. La viande de ces animaux est vendue directement à la ferme à des clients privés et à une entreprise de restauration ; je l’utilise aussi pour mon service de traiteur.

Martin : Nos Natura-Beef-Bio sont écoulés dans les magasins Coop. Le père de Rebekka et moi-même tenons en outre un stand au marché d’Olten le samedi. À côté de nos œufs et du jus de pommes des arbres haute-tige, nous y proposons de la viande séchée de l’exploitation de Rebekka. De plus, nous vendons des fruits et des légumes pour d’autres exploitations biologiques.

Chaque semaine au marché, Martin Hengartner, aidé  par des élèves, vend des produits bio de sa propre ferme et de la région. (Photo : Martin Hengartner)

Qu’apprécient les consommateurs qui font leurs achats chez vous au marché ou à la ferme ?

Martin : Je sais, d’après les discussions que j’ai eues, qu’ils veulent des aliments sans produits chimiques et non issus d’élevage intensif. Il est important pour eux que les animaux soient en bonne santé et sortent tous les jours. Souvent, ils s’enquièrent aussi de la provenance, ils veulent des aliments qui ont été produits à proximité.

Rebekka : Je fais le même constat. Il y a une prise de conscience de la valeur ajoutée que nous générons. Les consommateurs apprécient par exemple que nous plantions chaque année de nouveaux arbres fruitiers haute-tige, favorisant ainsi les oiseaux et les lièvres. Par leurs achats, ils veulent soutenir une agriculture régionale et durable.

L’élevage de vaches allaitantes, c’est-à-dire la production de viande bovine, est-il vraiment nécessaire dans cette agriculture durable ?

Rebekka : La production de viande de bœuf est parfois remise en question, notamment quant à son impact sur le climat. C’est un défi pour nous, les agriculteurs et agricultrices. Je pense, pour ma part, que les animaux sont nécessaires à la préservation d’un paysage sain et riche en espèces. Grâce à une pâture adaptée, les animaux entretiennent les surfaces et leur variété. De même, le sol stocke beaucoup de CO2 et agit sur le climat.

Martin : Les Aubrac sont très peu exigeantes. Elles broutent sur des terrains difficiles et contribuent à entretenir le paysage et à le maintenir ouvert, offrant ainsi un habitat à des plantes, insectes et animaux divers. 

Rebekka : Mes vaches mangent même de la paille et des feuilles. Elles ne nous enlèvent vraiment rien, à nous les humains, mais produisent pour nous des aliments de grande qualité, comme du Natura-Beef, à partir de végétaux que seuls les ruminants peuvent digérer et que nous ne pourrions pas valoriser autrement.

Merci beaucoup à tous les deux pour votre engagement en faveur de l’élevage allaitant, d’une agriculture durable et donc du Natura-Beef-Bio ! Nous vous souhaitons beaucoup de plaisir et de succès dans vos activités.

Le Natura-Beef-Bio pousse là où rien d'autre ne peut être cultivé et contribue à l'approvisionnement de la population suisse en denrées alimentaires saines et indigènes. (Photo : Rebekka Strub)

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(Photo : Remo Hengartner)

Martin Hengartner exploite avec son épouse un total de 40 hectares de prairies en zone de montagne 1. Plus de la moitié d’entre elles sont des pâturages et ne peuvent pas être exploitées avec des machines. 20 % des surfaces sont des surfaces de promotion de la biodiversité et contribuent, avec les 120 arbres fruitiers haute-tige, à la grande diversité des espèces. L’exploitation compte 25 vaches allaitantes, leurs veaux et un taureau de race Aubrac. S’y ajoutent encore 80 poules pondeuses, ainsi que des chevaux, des poneys et des ânes. Les principales branches de l’exploitation sont la vente de Natura-Beef-Bio et la vente directe au marché hebdomadaire d’Olten. En été, Martin Hengartner partage avec un voisin la garde des pâturages d’alpage de Hauenstein.

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(Photo : màd)

Avec le soutien de ses parents, Rebekka Strub gère la ferme Horn, qui compte 45 hectares de prairies et de pâturages. Il y a 18 hectares de surfaces de promotion de la biodiversité et 350 arbres fruitiers haute-tige qui valorisent les prairies et les pâturages. Le troupeau compte quinze vaches allaitantes de la race Aubrac et quinze de la race Zébu nain. Bien entendu, les veaux, génisses et taureaux d’élevage en font également partie. Rebekka s’engage pour un élevage d’animaux en bonne santé et adaptés au conditions géographiques, raison pour laquelle elle possède également Lucas, un taureau Brahmane. L’exploitation compte aussi trois truies et, en été, des porcs de pâturage ainsi que quinze chèvres Boer. Les principales branches de l’exploitation sont l’élevage, la vente directe ainsi que l’entretien et la préservation des surfaces riches en espèces. Plus d’informations sur www.hofhorn.ch.