«Nous portons nos animaux dans nos bras»

Hansandrea Marugg explique que pour sa famille et lui, les animaux sont ce qu’il y a de plus important et qu’ils ne ménagent pas leurs efforts pour que leur bien-être soit assuré. Il s’engage à ce que les animaux puissent continuer à profiter de l’air de la montagne, des pâturages d’alpage et de leur excellent fourrage malgré la présence du loup.

La santé et le développement de nos veaux sont notre priorité numéro un. Nous faisons tout pour eux. Nous les portons dans nos bras ou sur nos épaules si la situation l’exige. (Photo : Hansandrea Marugg)

Il y a deux ans, Wanja, l’une de nos vaches, a mis au monde des jumeaux sur l’alpage. Normalement, nos veaux pèsent entre 40 et 50 kilos à la naissance. Les jumeaux sont nés une à deux semaines plus tôt que prévu. L’un d’eux était vigoureux et alerte, tandis que l’autre était petit et chétif. Il ne pesait que 20 à 25 kilos et ne nous faisait pas bonne impression. Nous craignions qu’il ne puisse pas survivre sans notre aide.

Nous avons alors pris Wanja au licol et je l’ai traite à la main au milieu du pâturage. Qu’une vache allaitante se laisse traire n’est en soi déjà pas évident. Et le fait qu’elle se soit laissé traire si vite après la naissance au milieu d’un pâturage, tenue simplement au licol, tient presque du miracle. Toutefois, cela a été une aubaine pour les jumeaux, que nous avons prénommés Waleria et Wicky. Nous avons pu leur administrer à chacune un litre de colostrum au biberon (colostrum : premier lait après la naissance, très important pour le système immunitaire et la survie).

Damian Marugg aime être avec les vaches mères et leurs veaux sur l’alpage. (Photo: Hansandrea Marugg)

Nous nous sommes ensuite demandé ce qu’il fallait faire. Comme nous pensions que le vêlage se déroulerait plus tard, le troupeau allaitant se situait à ce moment-là dans une des zones les plus retirées de l’alpage, très loin du chalet d’alpage. Le plus petit des deux veaux, Wicky, avait besoin d’être surveillé et de recevoir du lait au biberon, quatre à cinq fois par jour. Le berger avait déjà assez à faire sans cela. Nous ne pouvions pas lui confier cette charge supplémentaire, d’autant plus qu’aucun chalet ne se trouvait dans ce secteur de l’alpage.

Nous avons donc décidé d’emmener Wicky avec nous en plaine. Or cela n’était pas chose aisée sur un alpage accidenté. Mon fils Damian a alors spontanément pris le veau sur ses épaules et l’a porté jusqu’en plaine. Nous avons d’abord essayé d’emprunter le chemin habituel, mais nous devions pour cela traverser le troupeau de vaches. Les vaches allaitantes sont devenues folles quand nous avons voulu passer avec le veau qui meuglait. Nous avons donc décidé de descendre le long d’une pente raide à l’arrière de l’alpage.

Nous avons emmené le veau chez un collègue détenant du bétail laitier et l’avons installé sous une lampe chauffante avec du lait. Nous lui avons donné le biberon plusieurs fois par jour.

Pendant ce temps, le berger de l’alpage a continué à s’occuper du troupeau, y compris de Wanja et de Waleria, le plus grand des jumeaux. Le veau parvenait à suivre sa mère et à la téter.

Quelques jours plus tard, nous avons emmené Waleria et sa mère à la maison. Elle était alerte et en bonne santé. Étonnement, Wanja a accepté sans problème son deuxième veau malgré le fait qu’ils avaient été séparés. Les jumeaux ont alors pu rester tous deux auprès de leur mère et téter à sa mamelle. Les deux veaux se sont magnifiquement bien développés.


Des vaches vêlaient régulièrement sur notre alpage en été. Durant la période des vêlages, le troupeau se trouvait toujours sur un pâturage proche du chalet d’alpage afin que le berger puisse surveiller les animaux et les aider en cas de problème.

Depuis l’année dernière, je n’envoie plus de vaches en fin de gestation sur l’alpage à cause des loups. Je les emmène sur un autre pâturage, le Präzer Alp, accessible en dix minutes depuis la maison. Les pâturages destinés aux vêlages sont de mieux en mieux aménagés, afin de protéger les animaux des grands prédateurs.

Le troupeau allaitant de Hansandrea Marugg sur un pâturage. (Photo : Hansandrea Marugg)

Je pense que le plus petit des jumeaux n’aurait pas survécu si un loup l’avait trouvé avant nous. Cela a été une aubaine pour nous que la mère ait été si docile, qu’elle nous ait laissés la traire et nous approcher des veaux. Cette gentillesse se serait révélée désastreuse face à un loup car la vache n’aurait alors pas défendu ses petits. 

La cohabitation future avec le loup implique une contradiction et une importante difficulté pour que tous les intérêts soient pris en considération : d’un côté, nous recherchons des vaches allaitantes fiables et dociles, qui n’attaquent ni l’éleveur, ni le premier randonneur venu pour défendre ses veaux. Cependant, nous voulons aussi qu’elles se protègent elles-mêmes ainsi que leurs petits face au loup, ce qui implique un instinct maternel fort. De l’autre côté, nous souhaitons que les randonneurs puissent continuer à sillonner les Alpes en toute insouciance. Cette cohabitation ne fonctionnera qu’en cas de compréhension mutuelle et que si les règles et les avertissements sont respectés de tous.

Hansandrea Marugg, éleveur allaitant à Präz et membre du comité de Vache mère Suisse

Une vache avec son veau nouveau-né. Une naissance au pâturage est ce qu’il y a de plus naturel au monde. Il est important que les vaches allaitantes puissent vêler sur des pâturages protégés et qu’elles soient surveillées afin de les protéger des attaques de loups et d’éviter tout contact avec des randonneurs. (Photo : Hansandrea Marugg)